Cuando Vuelva… Otro, c’est trop
Cuando vuelva a casa voy a ser otro
(Quand je rentrerai à la maison je serai un autre),
texte et mise en scène Mariano Pensotti
Avignon 2015, La FabricA
Sur le texte de Mariano Pensotti, le grupo Marea présentait à la Fabrica Quand je rentrerai à la maison je serai un autre. Un spectacle créé récemment, en mai dernier, au Kunstenfestivaldesarts de Bruxelles. Une sorte d’épopée de personnages ou de caractères, aux pensées intérieures qui viennent à prendre forme sur le plateau.
Avouons-le, le désir de la découverte du travail de cette compagnie argentine aura duré le temps de franchir les portes de la salle de la Fabrica. Alors installé, on a tout le temps de scruter la toile peinte tendue en travers du plateau. Une sorte de fresque préhistorique d’un côté, et de témoignage des ruines d’un « temple grec » pour l’autre. D’un côté, des dinosaures façon Jurassik Parc d’attraction figés dans une esthétique des Walt Disney des années 60 ; de l’autre la représentation d’un « capitole » abandonné aux sables du désert. Sentiment de naïveté du visuel qui joue de distance du coup avec ce qu’il représente.
Quand sur le plateau, ça s’animera, la toile dévoilera une banquise et des pingouins, etc., etc., etc. En front de scène, deux tapis roulants oblongs porteront les comédiens du grupo qui semblent s’en servir comme de différents espaces mentaux, publics, familiaux. Ils accueilleront aussi une tripotée de bibelots et de collections de matous.
C’est au mieux une série de sketchs sur la vie, la mémoire, le deuil du père, le deuil de la carrière politique, le deuil des histoires d’amour, le deuil d’un monde, le souvenir d’une dictature et la mutilation de la mémoire…
Au vrai, ce jeu surfait de personnages en vacances existentiels repose sur l’énergie des interprètes qui endossent les différents personnages dont ils ont la charge. Ici un cabaret de travelos, là un groupe de rock qui chante les chansons de papa… et à deux reprises une sorte de carnaval enfumé. Rien qui ne fasse image, représentation, mais un spectaculaire pauvre et sans intérêt. Quelques idées également puisque le Grupo a mis en scène deux espaces de surtitrage où l’un relaie, par voix off, une sorte de synthèse des chapitres qui se suivent, quand l’autre est l’espace des dialogues traduits.
Décidément Rien, en définitive. Rien qui puisse arrêter le spectateur lentement, mais indépassablement tiré vers l’ennui.
La seule chose qui méritait peut-être d’être montrée, et qui est évoquée dans le programme, correspondait au mode de travail du Grupo. Sur le mode des collectivo, le travail de groupe, fortement répandu en Amérique du Sud, est une pratique qui remet en cause les hiérarchies, les modes de travail, les constituants des formes théâtrales, notamment la place du texte qui est bien souvent, pour autant qu’il est le résultat d’une écriture, avant toute chose une écriture collective. Le temps de préparation du travail est donc résolument celui de l’expérience, de la recherche, de l’ouverture et de la production d’hypothèses. Et le choix d’une forme plutôt que d’une autre est bien souvent un choix collectif.
Et de se prendre à rêver d’un festival qui aurait le courage de programmer aussi des modes de travail plutôt que des spectacles finis sans intérêt. Mais c’est une autre histoire, sans doute un souvenir où, et il me manque, Didier Georges Gabily, invitait quelques spectateurs à suivre la manière dont le théâtre s’organise, se fabrique… « Comment ça se fabrique » pour être un lieu pour la Fabrica…