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Le Roi Lear, de Py : la parole incomprise – L'!NSENSÉ
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Le Roi Lear, de Py : la parole incomprise


King Lear (Le Roi Lear), de William Shakespeare,
traduction et mise en scène Olivier Py,
Avignon 2015



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(Critique écrite par Cyril Olawinski dans le cadre des ateliers d’écriture ouverts au public – partenariat Insensé / BNF – Maison Jean-Vilar)


Après avoir pris la direction du Festival l’année dernière, Py s’offre l’un des plus beaux lieux (la Cour d’honneur) et l’un des plus beaux textes (Le roi Lear de W. Shakespeare), pour nous proposer un théâtre de la Fin qui manque parfois de finesse.


Une vision radicale…

Objet d’une troisième proposition artistique au Festival d’Avignon en moins de dix ans, Le Roi Lear retrouve la Cour d’honneur du Palais des Papes en ouverture de la 69ème édition. Pour le metteur en scène Olivier Py, cette pièce de Shakespeare est la plus forte de toutes. Et parce qu’elle lui semble impossible à représenter dans toute sa richesse, il opère des choix radicaux : alors que ce texte est traditionnellement interprété dans son rapport au « manque de discernement » de l’homme politique, Py fait émerger un tout autre axe de lecture : l’effondrement de la parole.
Cette mise en scène du Roi Lear nous permet de retrouver enfin une forme de « radicalité » qui avait manqué à la proposition théâtrale donnée dans la Cour d’honneur l’année dernière (Le Prince de Hombourg de Kleist par Corsetti). Aussi, il incite, par les pistes qu’il livre « hors plateau », à faire réfléchir les spectateurs sur le caractère « visionnaire » du propos de cette pièce : n’y a-t-il pas, effectivement, de quoi s’effrayer sur l’effondrement de la croyance en la parole dans notre Histoire proche ? Bien malheureux sera cependant celui qui cherchera les références directes à Auschwitz dans ce spectacle… Car, si les échos sont intéressants et évidents dans les questionnements eux-mêmes, Py semble ne pas s’être intéressé à cela dans sa mise en scène, dont l’intrigue est plus universelle et fait plus directement référence à notre contemporanéité – une indication temporelle claire, « 2015 », est même discrètement glissée dans le spectacle afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté là-dessus : il ne s’agit aucunement de replacer Lear au XXème siècle.
… et cohérente dans le spectacle
Ainsi, face à la parole manipulatrice et réductrice des deux premières filles de Lear, chargées par ce dernier de « faire son éloge », Cordélia, la dernière, décide de se taire. Elle aime véritablement son père et ne souhaite pas rentrer dans son jeu hypocrite. Pour Py, cette absence de prise de parole relève à la fois d’un acte héroïque – ne pas participer à cette « dévaluation » de la parole – et d’un constat d’échec – la parole a déjà été dévoyée. Cela constituera le cœur du spectacle d’Olivier Py. Cordélia, seule à pouvoir redonner un sens poétique à la parole, se tait et s’absente, laissant les personnages sombrer et transformer la terre en chaos. Les apparences prennent alors le dessus – et Py fait justement apparaître les deux sœurs, monstrueuses dans le texte de Shakespeare, telles des « bimbos » perverses, tandis qu’Edmond crâne à moto et joue avec son image de « petit diable ». Tout sonne de plus en plus creux et cela provoque donc ensuite le basculement inévitable : le théâtre lui-même, dernier lieu de représentation possible de la parole poétique, est déconstruit. Et la belle référence au théâtre de Vilar – le plateau de plancher – disparaît progressivement, comme s’il n’était plus pertinent de croire encore à cela. La dernière partie laisse toute la place au nihilisme, redonnant paradoxalement une force folle à la parole de Shakespeare à travers les personnages de Kent et d’Edgar : « Est-ce la fin du monde ? » / « Non, c’est une image de la fin du monde ».
Les obsessions de Py

Il n’en reste pas moins que, dans ce déploiement radical et cohérent, Py ne peut s’empêcher de revenir à ses obsessions de mise en scène : nudité peu pertinente et trop exhibée, piano omniprésent, gags potaches à répétition – tel que le « coup du placard » -, redondance d’effets pour une même idée – tel le scotch sur la bouche de Cordélia alors que l’inscription « Ton silence est une machine de guerre » est déjà présente (en trop grosses lettres scintillantes) sur le mur du Palais. Cela entraîne une perte de subtilité qui dessert – malheureusement – le propos. L’intelligence et la recherche de l’audace ne font pas le style.