Ceux qui errent… : Épidemie blanche, mise en scène sans couleur
[/Hurlons, dit le chien [[Traduction Evelise Mendes. L’original est :Uivemos, disse o cão. ]]
(José Saramago, d’après La Lucidité)/]
Le seul prix Nobel de littérature de langue portugaise, José Saramago, au cours d’une interview a dit : « moi, j’ai 81 ans et je vais quitter ce monde de merde sans espoir ».[[Traduction E.M. L’original est : tenho 81 anos e vou sair da merda deste mundo sem esperança.]] Il voulait que La Lucidité soit un hurlement, car « tous nous devons élever la voix » dans « ce monde merdique ».[[Traduction E.M. L’original est : todos nós devemos levantar a voz, ensuite mundo que é péssimo.]]
Donc hurlons. Nous tous. Sans cesse.
PS : Puisque la Politique est l’Art Souverain qui règle toutes relations humaines, puisque tous nos choix résultent d’une vision de monde (A. Boal), et puisque aussi l’individu est un être historique-social dans un monde mobile (B. Brecht), dont l’art peut et doit intervenir dans l’Histoire (R. Barthes), je dois faire mention de la situation politique de mon pays… Je ne peux que hurler : Dehors, Temer ! [[Michel Temer, vice-président de Dilma Rousseft (présidente brésilienne réelue démocratiquement en 2014). Après une grande articulation de conspirations dans les coulisses de la capitale du Brésil, Dilma est éloignée du pouvoir, et Temer devient le président par intérim du pays dès le 12 mai 2016.]]
`Les différentes faces de la couleur blanche
Publiée en 2004 pour la première fois, La Lucidité se passe dans le même pays que L’Aveuglement[[Il s’agit une épidémie blanche qui dévaste un pays, méthaphore évidente au système néolibéral qu’on vit depuis les années 90. Toute la population est aveugle (une cécité de couleur transparente lactée), sauf une seule femme. A cause de cette situation, le pays vit des temps de barbarie, de désespoir, de chaos social.]], de 1995. Un jour d’élections parlementaires dans tout ce pays imaginaire. Les électeurs se découragent à exercer leur droit de vote, et puisqu’il y a une forte tempête sur la capitale, le vote est facultatif. Mais surtout, tous sont fatigués de voir sans cesse les mêmes types de candidats. Le personnel des bureaux de vote est totalement effrayé devant la possibilité d’une énorme abstention. Mais surprise, à 16h environ, les citoyens vont y voter en masse. Et c’est l’inattendu : 83% du peuple de la capitale vote blanc. Et c’est pareil dans tout le pays (70% environ). Ici, les votes blancs représentent un éclair de vision provoqué par la cécité du dernier livre. Les autorités sont alarmées, et ne savent pas comment agir devant une telle démonstration de défiance vis-à-vis du système politique. En justifiant que la population ne sait pas profiter de ses droits, et que cette démonstration est une menace pour le système démocratique, ils décident de rechercher qui sont les leaders de cette protestation. Dehors, personne n’assume son vote blanc, même sous la pression des forces de police, jusqu’au jour où, étonnamment, la masse des électeurs descend dans les rues de manière pacifique. À partir de ce moment-là, les autorités décrètent un état de siège de la capitale, usent de tous les artifices afin de promouvoir le chaos social (par exemple, ils font exploser une bombe dans la station de métro, ensuite accusent « les blancs » du crime), et ils déplacent la capitale du pays vers une autre ville. À la recherche d’un coupable du vote blanc massif, les dirigeants du gouvernement trouvent la seule femme pas aveugle de L’Aveuglement, son chien, et un commissaire de lucidité blanche. En ce temps-là, le roman se développe dans un dialogue intratextuel avec son précédent.
Selon Saramago, la cécité et la lucidité sont blanches. Les frontières sont très subtiles…
[…] le vote blanc est une manifestation de la cécité très destructive comme l’autre. Ou de lucidité, dit le ministre de la justice, Quoi, le ministre de l’intérieur a demandé, qui a jugé entendre mal, Dit que le vote blanc pourrait être compris comme une manifestation de lucidité par qui l’a fait, Comment vous vous permettez de dire énorme absurde antidémocratique auprès du conseil du gouvernemment, vous devez être embarrassé, vous ne paraissez pas le ministre de la justice, avez explosé de la défense.[[Traduction E.M. L’original est : o voto em branco é uma manifestação de cegueira tão destrutiva como a outra.Ou de lucidez, disse o ministro da justiça, Quê, perguntou o ministro do interior, que julgou ter ouvido mal, Disse que o voto em branco poderia ser apreciado como uma manifestação de lucidez por parte de quem o usou, Como se atreve, em pleno conselho do governo, a pronunciar tamanha barbaridade antidemocrática, deveria ter vergonha, nem parece ministro da justiça, explodiu o da defesa.]] (p.172)
Saramago a réinventé les règles d’une « rédaction correcte » et, par suite, a recréé la langue portugaise au travers de ponctuations réduites, où les phrases sont marquées surtout par des virgules (manière qui montre les interventions des personnages et les pauses) ; de la presque absence des points finals ; de paragraphes grands ; d’emploi de lettre majuscule à l’intérieur de la phrase ; de l’usage prédominant du temps présent ; de dialogues en direct sans le trait d’union (en produisant ainsi un mélange des discours, c’est-à-dire, de discours direct, indirect, monologue et indirect libre, et en permettant le dialogue entre le narrateur et les personnages)… cet effet produit une simultanéité tragique et comique. D’une manière apparemment désordonnée, ses phrases ont le rythme prosodique, d’une oralité plus dynamique en général. À cause de son style particulier de l’écriture, il y a une zone intéressante d’ambigüité et d’étrangeté.
Ayant dit tout cela, comment est-il possible de déplacer toute cette « mer de subversion stylistique littéraire » de la langue portugaise à la scène française ?
Lecture incertaine
Ce théâtre est un mixte d’expériences territorial-éphémère-mémorial-individuel-collective-expérience-expérience-expérience. Je connais l’œuvre de Saramago. Je l’ai lu dans sa langue originale. Il y avait un style singulier (et génial) de l’écriture qui, sûrement, est perdu au moment de sa traduction pour le français. J’écris ici juste un point de vue… Quand on fait une adaptation d’une oeuvre littéraire pour le théâtre, maintenir l’essence de sa forme (c’est-à-dire comment c’est raconté aux gens) est plus important que d’être fidèle au schéma narratif ou aux détails de son action…
Vingt-trois morts déjà comptés, et on ne sait pas combien on ira découvrir dessous les démolitions, vingt-trois morts au moins, monsieur le ministre de l’intérieur, réitérait le premier-ministre en frappant avec sa main droite ouverte aux journaux ouverts sur la table, Les moyens de communication sont presque unanimes à créditer l’attentat à certain groupe terroriste de relation avec la rébellion des blancs, monsieur premier ministre, Tout d’abord je vous demande, s’il vous plaît, que vous ne prononciez plus en face de ma présence le mot blanc, c’est juste une question de bon goût, rien de plus, en outre explique-moi la signification, de votre bouche, l’expression presque unanime, Il signifie qu’il y a deux exceptions, ces deux petits journaux qui n’acceptent pas l’explication qui a commencé à circuler et qui exigent une profonde investigation, Intéressant, Regarde, monsieur le premier ministre, à propos de cela.[[Traduction E.M. L’original est : Vinte e três mortos já contados, e não sabemos quantos ainda se irão descobrir debaixo dos escombros, vinte e três mortos pelo menos, senhor ministro do interior, repetia o primeiro-ministro batendo com a mão direita espalmada nos jornais abertos sobre a mesa, Os meios de comunicação social são praticamente unânimes em atribuir o atentado a algum grupo terrorista relacionado com a insurreição dos brancosos, senhor primeiro-ministro, Em primeiro lugar peço-lhe, como um grande favor, que não volte a pronunciar na minha presença a palavra brancoso, é só por uma questão de bom gosto, nada mais, e em segundo lugar explique-me o que significa, na sua boca, a expressão praticamente unânimes, Significa que há apenas duas excepções, estes dois pequenos jornais que não aceitam a versão que começou a correr e exigem uma investigação a fundo, Interessante, Veja, senhor primeiro-ministro, a pergunta deste.]] (p. 129)
Dans ce cas, le rythme dynamique, l’ambigüité des discours, le désordre, l’étrangeté, la simultanéité des états d’émotion, tout cela constitue la colonne vertébrale de La Lucidité. Sa génialité vient précisément de développer un sujet encore très actuel d’une manière critique, corrosive, anarchique. Son contenu et sa forme sont anarchiques. Par contre, dans la mise en scène de Maëlle Poésy, la forme est devenue conventionnelle, carrée, sans fluidité… Ceux qui errent ne se trompent pas ne permet pas l’imagination. Tout ce qui est dit est montré. Tout est donné mâché au spectateur. Les personnages parlent de la pluie… Il pleut sur scène. Ils parlent du reportage… Un reportage est montré sur scène. Ils parlent de vote… Un bureau de vote est montré. Ainsi que l’ambiance du lieu des discussions du premier ministre, le moment de la déclaration officielle du gouvernement, les voix des manifestants, le décor, les costumes, etc., tout est littéralement copié sur scène, à la manière d’un spectacle réaliste. Il y a des petits coups intentionnels d’une exagération caricaturale des dirigeants du gouvernement, mais au lieu d’être intéressant, cela devient manichéen. Dans une société comme la nôtre, où toujours nous sommes envahis par des discours visuels et sonores, Ceux qui errent… se dilue en discours ras, puisque tous nous connaissons la nullité de notre système politique-économique. France, Portugal, Brésil… Le monde est lié par ce projet néolibéral merdique.
Et Saramago est venu contre tout cela… Il est venu pour hurler en face de nos visages. Pour nous secouer. Pour qu’on se souvienne qu’« ils » (les politiques) sont minoritaires, et que la collectivité est la force. Il est dommage que le spectacle de Poésy, en dépit des comédiens réguliers et de l’initiative de discuter un tel sujet, se regardent en fait comme une esthétique « moisie » qui ne dialogue pas avec l’importance de son contenu.
Ceux qui errent ne se trompent pas : Epidemia branca, Encenação sem cor
Uivemos, disse o cão. (José Saramago, epígrafe em Ensaio sobre a Lucidez)
O único prêmio Nobel de Literatura em língua portuguesa, José Saramago, certa vez concedeu uma entrevista dizendo que “tenho 81 anos e vou sair da merda deste mundo sem esperança”. Ele pretendia que A Lucidez fosse como um uivo, porque “todos nós devemos levantar a voz” nesse “mundo que é péssimo”.
Portanto uivemos. Todos. Sem cessar.
PS: Como a Política é a Arte Soberana que rege as relações de todos os homens já que tudo o que denota escolhas é resultado de uma determinada visão de mundo (A. Boal), e em virtude do homem, como ser histórico-social num mundo mutável (B. Brecht), na qual a arte pode e deve intervir na História (R. Barthes)… Eu não posso deixar de fazer referência à situação política de meus país… Eu só posso uivar: Fora, Temer!
As diferentes faces da cor branca
Publicado pela primeira vez em 2004, Ensaio sobre a Lucidez se passa no mesmo país desconhecido de Ensaio sobre a Cegueira[[Trata-se sobre uma epidemia branca que assola um país, clara metáfora ao sistema neoliberal que temos vivido desde os anos 90. Toda a população está cega (uma cegueira de cor transparente leitosa), com exceção de uma única mulher. Isso leva o país a viver tempos de barbárie, de desespero, de caos social.]], de 1995. É dia de eleições para o parlamento de todo o país. Os eleitores se sentem desanimados a exercerem seu direito de voto, visto que há uma forte tempestade que assola a capital, o voto é facultativo e, principalmente, estão todos cansados da mesmice dos candidatos. Os mesários das seções eleitorais estão completamente apavorados ante a possibilidade de uma enorme abstenção. No entanto, aproximadamente às 16h, os cidadãos saem em massa para votar.
O inesperado acontece: 83% da população da capital vota em branco. O mesmo acontece no resto do país (mais de 70%). Aqui, os votos em branco representam um lampejo de visão ocasionada pela cegueira do livro anterior. As autoridades ficam alarmadas, e não sabem o que fazer perante tal demonstração de descrença no sistema político. Alegando que a população não sabe usufruir dos seus direitos (“se os votos estão aí é para que façamos um uso prudente deles”), e que essa enorme demonstração é na realidade uma ameaça ao sistema democrático, decidem por investigar quem são os “líderes” desse protesto. Entretanto, ninguém assume que votou em branco, mesmo sob pressão das forças policiais, até certo dia que, surpreendentemente, a massa de eleitores vai às ruas de maneira pacífica. A partir desse momento, as autoridades decretam estado de sítio na capital, usam de todos os artifícios a fim de promover o caos social (como por exemplo, fazem explodir uma bomba na estação de metrô e acusam os brancosos, os eleitores que votaram em branco, de terem o feito), e transferem a capital do país para outra cidade. Na busca por um culpado pela massa de votos em branco, o governo esbarra na única mulher a enxergar no Ensaio sobre a Cegueira, seu cão, e um comissário tomado pela lucidez branca. A partir daí, o romance se desenvolve num diálogo intratextual com o da Cegueira.
Segundo Saramago, a cegueira e a lucidez são de cor branca. As fronteiras são sutis…
[…] o voto em branco é uma manifestação de cegueira tão destrutiva como a outra. Ou de lucidez, disse o ministro da justiça, Quê, perguntou o ministro do interior, que julgou ter ouvido mal, Disse que o voto em branco poderia ser apreciado como uma manifestação de lucidez por parte de quem o usou, Como se atreve, em pleno conselho do governo, a pronunciar tamanha barbaridade antidemocrática, deveria ter vergonha, nem parece ministro da justiça, explodiu o da defesa. (p. 172)
Com seu estilo peculiar de escrita, Saramago reinventou não só as tais normas de uma boa redação como também recriou a própria língua portuguesa, onde as frases são marcadas principalmente por vírgulas (maneira de mostrar as intervenções dos personagens e as pausas); do raro uso de pontos finais; de parágrafos longos; do emprego de maiúscula no interior das frases; da utilização predominante do tempo presente; de diálogos diretos sem travessão (misturando os discursos, isto é, discurso direto, indireto, monólogo e indireto livre, e permitindo ao narrador de dialogar com um ou mais personagens); da simultaneidade entre trágico e cômico. De maneira aparentemente desordenada, as frases possuem o ritmo prosódico, de oralidade mais dinâmica em geral. Isso gera uma zona interessante de ambiguidade e de estranheza.
Dito isso, como transpor todo esse “mar de subversão estilística literária” da língua portuguesa para uma cena francesa?!
Leitura questionável
Teatro é um misto de experiência territorial-efêmera-memorial-individual-coletiva-experiência-experiência-experiência. Eu conheço a obra de Saramago. Eu a li no idioma original. Ele possui um estilo singular (e genial) de escrita que, evidentemente, se perde na sua tradução para o francês. O que escrevo aqui é simplesmente um ponto de vista… Ao se fazer uma adaptação de uma obra literária para o teatro, mais do que a narrativa em si, mais do que a fidelidade aos detalhes do enredo, o mais interessante é manter de alguma maneira a essência da forma de como aquilo foi contado…
Vinte e três mortos já contados, e não sabemos quantos ainda se irão descobrir debaixo dos escombros, vinte e três mortos pelo menos, senhor ministro do interior, repetia o primeiro-ministro batendo com a mão direita espalmada nos jornais abertos sobre a mesa, Os meios de comunicação social são praticamente unânimes em atribuir o atentado a algum grupo terrorista relacionado com a insurreição dos brancosos, senhor primeiro-ministro, Em primeiro lugar peço-lhe, como um grande favor, que não volte a pronunciar na minha presença a palavra brancoso, é só por uma questão de bom gosto, nada mais, e em segundo lugar explique-me o que significa, na sua boca, a expressão praticamente unânimes, Significa que há apenas duas excepções, estes dois pequenos jornais que não aceitam a versão que começou a correr e exigem uma investigação a fundo, Interessante, Veja, senhor primeiro-ministro, a pergunta deste. (p. 129)
Nesse caso, o ritmo dinâmico, a ambiguidade nos discursos, a desordem, a estranheza, a simultaneidade entre estados de emoção, tudo isso compõe a espinha dorsal do Ensaio sobre a Lucidez. A sua genialidade reside justamente em abordar um tema ainda tão atual, de maneira crítica, corrosiva, anárquica. O seu conteúdo e a sua forma são anárquicos. Já na encenação de Maëlle Poésy, a forma tornou-se convencional, fechada, sem fluidez… Ceux qui errent ne se trompent pas não deixa espaço para imaginação. Tudo o que é dito é mostrado tal como é. Tudo é entregue mastigado para o espectador. Fala-se em chuva… Chove em cena. Fala-se em reportagem… Mostra-se uma reportagem sendo feita ao vivo. Fala-se em votação… Mostram-se os mesários na seção eleitoral. Assim como a ambientação do local de confabulações do primeiro-ministro, o momento do pronunciamento oficial do governo, as vozes dos manifestantes, o cenário, os figurinos, etc, tudo é literalmente reproduzido em cena tal como um espetáculo realista. Em certos momentos, há pinceladas propositais de um exagero caricatural da equipe de políticos, mas que em vez de ser interessante só torna o espetáculo maniqueísta.
Numa sociedade como a nossa, em que somos constantemente invadidos por discursos visuais e sonoros, Ceux qui errent… se dilui num discurso raso, afinal todos nós estamos carecas de saber que esse nosso sistema político-econômico está fadado ao fracasso. França, Portugal, Brasil… O mundo todo está interligado por esse projeto fedido de merda… E contra isso que Saramago veio… Veio para uivar na cara de todos. Para nos sacudir. Para nos lembrar que “eles” são minoria, que a força está na coletividade. Pena que o espetáculo, apesar de um elenco coeso, apesar da iniciativa de discutir tal tema, possui uma estética embolorada que não dialoga com a importância do seu conteúdo.