O. Deux : c’est pis
Vitrioli, de Yannis Mavritsakis, mis en scène par Olivier Py — Festival d’Avignon 2014
Olivier Py, directeur de la 68e édition du Festival d’Avignon, présente trois spectacles dans son festival, ce qui fait déjà deux spectacles de trop (on n’attendra pas plus du troisième). Du 10 au 19, c’est à Vitrioli de verser son ennui accablant dans le Gymnase Paul Giéra. Ennui encore plus accablant au regard des moyens, des tentatives de combler le creux par le volume sonore ou une esthétique aseptisée malgré l’argile noire qui recouvre la scène et dans laquelle les acteurs se vautrent. Le travail d’O. Py est en ceci fascinant qu’il arrive à vider tout élément théâtral de toute consistance.
À ceux qui me diront que ceci n’est pas une critique, je dirai que Vitrioli, ce n’est pas un théâtre d’art :
— Comment est-il possible d’aimer des textes et de les mitrailler pendant une heure et demi sans relâche ? Qu’on ait l’impression qu’on veut s’en débarrasser au plus vite possible ?
— Comment est-il possible d’aimer des textes, mais de les vider en montrant tout ce qu’ils disent ? En ne laissant plus aucun jeu aux mots ?
— Comment est-il possible d’aimer des textes, mais de remplacer un effet qu’ils pourraient produire par des signaux, non, des stimuli bêtes, tel un bruit explosif de grand volume qui intervient à des changements de scène ? Chien pavlovien, nous sautons au premier coup, au 28ième, cela nous laisse indifférent. Cela ne produit même pas un malaise, juste un agacement face à l’absence d’esprit.
— Comment ne pas voir que ces histoires qui réduisent les souffrances au petit je, malade ou pas – on s’en fou – ne pourront jamais être une métaphore pour quelque chose qui les dépasse ? Un petit je maltraité par sa famille, le docteur et le psychanalyste (il manque le chien de famille) qui passe de supplice en supplice (fellation plus ou moins forcée, attachement et accrochage du corps, inceste…), parfois légèrement performatif. De Vitrioli à la situation social, économique et politique de la Grèce, on peut y arriver avec un peu de chance par association libre, mais d’y voir une métaphore est aussi arbitraire que de voir un éléphant et de soutenir qu’il soit rose. Produit par le théâtre national de Grèce, on peut se demander si toute la noirceur creuse, qui manque justement de l’humain (alors que Py veut partir de l’humain et non de concepts politiques ou économiques) creux par une recherche d’effets qui nous laissent indifférents (si on veut des effets chocs, on n’a qu’aller voir le dernier Saw au cinoche, à côté, Vitrioli serait une petite farce, ce qui veut bien dire que le théâtre est ailleurs), on peut se demander si les $$$ grecs n’auront pas été mieux investis ailleurs.
Une douche réelle, avec de l’eau réelle, les corps nus, le noir de la scénographie pour traduire la noirceur du texte, les sons qui font mal aux oreilles… n’arrivent pas à cacher qu’il ne s’agit que d’une rhétorique, que derrière, il n’y a rien. Le jeu est rapide et bruyant, mais ne propose aucun travail nouveau, aucune singularité quelconque. Le travail sonore, si ce n’est pas dans le but de péter les tympans des spectateurs dans l’idée d’une violence, consiste en deux moments musicaux, qui sont difficilement autrement qualifiable que du kitsch, ou trois notes graves de piano descendant qui font penser à des parodies de films d’horreur des années 80… Il n’y a que l’idée et la volonté de noirceur, de violence, de trash, de glauque ; une volonté qui est produite par des effets scénographiques et sonores qui bousille tout, noirceur et violence inclus. Reste alors l’ennui, avec un peu de chance on peut en rire à l’intérieur, de cette naïveté, pour ne pas dire bêtise.
L’inquiétude de la jeunesse ne réside pas, comme vous semblez le dire dans le programme, face à un monde totalement déspiritualisé, mais face à un monde qui produit surtout des travaux comme le vôtre.