Le Roi Lear : du petit trot, pas du galop !
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traduction et mise en scène Olivier Py,
Avignon 2015
(Critique écrite dans le cadre des ateliers d’écriture ouverts au public – partenariat Insensé / BNF – Maison Jean-Vilar)
Toujours chez lui Shakespeare encore une fois dans la Cour d’Honneur… Mais cette année, c’est Olivier Py, Directeur du festival depuis un an qui l’adapte et le met en scène.
La traduction de Lear qu’il murit depuis des années, il l’a voule concise et dépouillée. Sa mise en scène au service de sa lecture du Roi Lear : une sorte de préfiguration des catastrophes du XXème siècle , les guerres et Auschwitz.
Cela démarre avec un beau décor sobre, un piano à queue solitaire sur l’immense scène, devant une palissade claire un peu gribouillée. Les deux premières filles du Roi (joué par Philippe Girard, acteur de prédilection de Py qui était Orlando l’année dernière) font leur déclaration d’amour à leur père et reçoivent chacune en partage un tiers du royaume dont le vieux Roi veut se dépouiller.
Arrive le tour de Cordélia, la fille préférée. Elle reste muette comme un écho de la phrase inscrite depuis le début en lettres de néon sur le grand mur du Palais « Ton silence est une machine de guerre ». Et ce silence de Cordélia – faillite du langage – est le point de départ de la catastrophe qui, inéluctablement, conduit au chaos d’abord puis à la destruction finale.
S’ensuivent dons des vilenies de tous ordres : adultères, trahisons, violences des filles mais aussi des fils du vieux duc de Gloucester resté quant à lui fidèle à son Roi. Le fou du Roi qui dit la vérité (Jean Damien Barbin, magistral) ne peut rien empêcher. Edgar, le fils légitime de Gloucester devient fou lui aussi. Edmond le fils bâtard qui débarque à moto séduit les deux filles du Roi et trahit tout le monde. C’est au tour du vieux Roi de devenir fou et quand Cordélia revient vers lui il ne ne discerne plus s’il s’agit d’un spectre ou d’une vivante.
Chacun, peu à peu se roule dans la boue et est englouti par le trou noir qui, à mi parcours du spectacle, ont remplacé le décor initial. Les mots qui n’ont pas su ou pas pu se dire sont à l’origine du malheur.
Le propos d’Olivier Py de faire un Roi Lear au galop était séduisant mais en définitive n’aboutit pas. Annoncé pour 2H30, le spectacle a duré en réalité 3h00. Les gesticulations nombreuses, les scènes de guerres figurées par des terroristes encagoulés… ralentissent l’action. Et que dire de la folie d’Edgar ? Il arrive de la forêt faisant mine de dissimuler sa nudité par une couverture de survie. Quelques instants pour traverser la scène auraient suffi au lieu de quoi il a paru s’exhiber pendant un long moment, en agitant sa couverture qui ne cachcait rien, avec beaucoup de complaisance.
La scène de la tempête illustrée par des éclairages et des coups de tonnerre emplissant la cour semblait elle aussi durer une éternité. Tout à coup un grand cerf en plastique attirait et détournait l’attention. Figure de l’innocence de la nature face à la corruption et aux turpitudes des hommes ? On a pensé à cette scène du film The Queen de Stephen Frears, où la Reine d’Angleterre la semaine de la mort de Lady Di, au détour d’un sentier forestier en Ecosse se trouve soudain face à un grand cerf. Le lendemain, le cerf est abattu et la Reine se rend seule lui rendre hommage dans le relais de chasse où il est exposé. Elle, si impassible face à la mort de la Princesse Diana, ne peut s’empêcher de verser une larme. Le Roi Lear, la Reine Elisabeth même combat ?
Dans le projet d’Olivier Py, si le texte reste clair et audible tout le temps, il n’en va pas hélas de même pour la mise en scène.
On se souvenait alors d’un autre metteur en scène qui avait osé, en 2008, trois pièces de Shakespeare en un seul spectacle – de plus de cinq heures tout de même. C’était Ivo Van Hove, avec ses tragédies romaines : Coriolan, Jules Cesar, Antoine et Cléopatre. Idée magnifique. Les récits de bataille se contentaient alors de défiler sur un ruban lumineux tandis que l’action continuait, au galop, sur scène.
Le spectacle d’Olivier Py va ainsi lui, plutôt au petit trop, à moins qu’il ne s’agisse d’un galop d’essai pour le directeur du festival, dans la cour d’Honneur.