Le Bal du Cercle ou comment ne pas satisfaire un horizon d’attente
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Avignon 2015, Cloître des Carmes
Le Bal du Cercle de Fatou Cissé a lieu du 16 au 23 juillet au Cloître des Carmes. Un défilé de mode.
Alors que les chauves-souris chassaient les moustiques au dessus du cloître des Carmes (qu’elles en bouffent ces foutus moustiques-tigre !) et que la salle commençait à s’impatienter parce que deux places tardaient de se remplir, je me laissais aller dans la rêverie de mon horizon d’attente le plus noir. Manière complètement juvénile de nourrir ma colère et mon dégoût pour cette programmation et l’état du théâtre et du monde en générale. Je m’apprêtais donc à voir une proposition qui reproduirait, consciemment ou inconsciemment, les formes de représentation néo-colonialistes, entièrement sexistes et racistes qui feraient plaisir à cette salle de blancs ratatinés, moyen d’âge d’au moins 50 ans. Ils auront pu au moins rentrer à l’hôtel et se faire une belle branlette. J’aurais aimé écrire sur la récupération par le modèle dominant d’une pratique traditionnelle de libération. J’aurais aimé insulter ce public qui s’extasierait devant le bon sauvage et qui rachète sa bonne conscience par mauvaise foi : Oh, nous nous intéressons à des pratiques populaires au Sénégal. Nous sommes ouverts au monde et à l’autre. (Qui l’insulte, ce foutu public, depuis que la scène ne s’en occupe plus ?) J’aurais aimé voir baver ces vieux bourgeois occidentaux devant le stéréotype du corps africain, devant leurs fantasmes qui trahissent leur racisme et tout le racisme ambiant et généralisé de notre belle vieille Europe. J’aurais aimé que la magnifique unité nationale aurait chanté de concert la gloire du conformisme. Qu’une marche du 16 juillet aurait porté sur… Bref…oui… oui… narcissisme tout cela, oh narcissisme…
Je dois dire que mon horizon d’attente n’a pas été satisfait. A eu lieu un défilé de mode. Certes, intercalé par des danses inspirées des danses traditionnelles et d’une grande maîtrise technique. Certes, des corps légers, rapides, plein d’énergie… quel ennui tout cela…
Et je voudrais croire que tout ces froufrous, ces lunettes et ces couleurs bonbons, ces je-suis-la-plus-cool ou la plus forte ou la plus sexy… maximisation du profit (le corps a été soumis à la marchandisation depuis longtemps)… je voudrais croire qu’il s’agirait d’un début de critique, de dénonciation, de je-ne-sais-quoi qui tente de s’opposer au système actuelle… mais non, ces formes dominantes sont ici reproduite à l’identique qu’elle sont produites dans ces fameux Tanebeer et dont Fatou Cissé est d’ailleurs consciente qu’il (le Tanebeer) est « façonné par les influences de la société de consommation ». C’est alors que je cesse de comprendre. Quel intérêt ? Quel intérêt si ce n’est un reportage pour une pratique particulière au Sénégal ? Où se trouve l’endroit de libération des femmes dans cette pratique ? Certes, on n’est pas au Sénégal… Merci. J’y pensais plus.