Baby Bel
Jérôme Bel présente à la Cour d’Honneur du Palais des Papes un spectacle intitulé Cour d’Honneur, conçu à partir des témoignages recueillis, puis choisis, de spectateurs de la Cour. Alors on écrira simplement de ceci tout ce qui lui manquera…
La beauté première du discontinu chaotique. De l’impromptu.
La beauté de l’impossible trace.
Beauté de l’incision dans une chair commune d’où se serait extraite une œuvre fabuleuse.
Beauté d’un imaginaire laissé à l’imagination sans apparats, sans artifices. Sans rewind.
Beauté d’une interrogation assoiffée répondant à l’urgence de dire quelque chose ici et maintenant qui nous aurait laissés affamés.
Au pied d’un mur si grand qu’il faut s’y faire géant, beauté d’un turbulent saut dans le vide qu’aurait osé celui qui nous conviait à participer à sa réception.
Beauté de l’élégance, s’épargnant la banalité de cette phrase écrite dans la feuille de salle : « J’ai cette théorie que le spectateur est un paramètre nécessaire à la représentation théâtrale ».
Beauté du commen-taire.
Beauté d’un geste dit chorégraphique qui aurait eu assez d’élan pour au moins égaler le travail de la chorégraphe espagnole Olda de Soto qui – après avoir interrogé les mémoires des spectateurs du Jeune Homme et la mort dans Histoire(s) en 2004 – avait remonté le fil du temps jusqu’en 1932, date de la première représentation de La Table verte de Kurt Jooss, ballet fondamental dans l’histoire de la danse, et qui – déjà – avait inventé là une œuvre à partir des souvenirs de ceux qui l’avaient ou vue ou vécue.
Beauté d’un Merci qu’on n’aurait pas eu à ravaler, faute de n’avoir rien à remercier si ce n’est ceux-là, ces 14 témoins, spectateurs ELUS, qui auront eu pour leur noble plaisir leur moment d’Honneur, quart d’heure de gloire si Warholien et depuis si longtemps banalisé. Si cruellement sous-développé.
Beauté de l’écrit de Gordon Craig, daté – déjà – du début du XXème Siècle: « L’un des défauts du théâtre occidental est de négliger les principes essentiels de l’Art, d’inventer et de copier à la hâte de soi-disant changements qui attirent le public, mais ne servent point à l’Art. La hâte, telle est la caractéristique du théâtre contemporain, réforme hâtive, hâtive préparation, hâtives idées appliquées à la hâte. »